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La Bio pour sauver l'eau !

La Bio pour sauver l'eau !

Le 06/03/2025

Polluants viraux, bactériologiques, chimiques..., l'eau en bouteille plastique n'a pas toujours la pureté qu'on lui prête. Et si, pour protéger l'eau des pesticides, il suffisait de manger bio ? Le point sur son état. Ses états. Précieuse et fragile, invisible, elle est partout. Face au changement climatique, le temps ne serait-il pas venu de réenchanter l'eau ?

Pascale Solana.
© Getty Images.

Polluants viraux, bactériologiques, chimiques..., l'eau en bouteille plastique n'a pas toujours la pureté qu'on lui prête. Et si, pour protéger l'eau des pesticides, il suffisait de manger bio ? Le point sur son état. Ses états. Précieuse et fragile, invisible, elle est partout. Face au changement climatique, le temps ne serait-il pas venu de réenchanter l'eau ?

 

Pascale Solana.

Année après année, on peut finir lassé, désespéré. Ou en colère. Ou sourd. Ne plus entendre les alarmes sur la dégradation de la qualité de l’eau due à l’agriculture, première consommatrice d’eau. Comme l’État français, dans le collimateur de l’Europe pour non-respect répété des normes de potabilité concernant les nitrates. En novembre 2024, un rapport d’inspection interministériel* pointait l’échec de la préservation de la qualité de l’eau potable face aux pesticides. Il fait état de concentrations élevées et de dépassements de limites de pesticides et de métabolites** dans de nombreux territoires, de surveillance inégale ou de non-information. Exemple, la chloridazone desphényl dans les zones à betteraves de la moitié nord de la France : 4 millions de personnes concernées ! De fait, le prix de l’eau varie selon les régions et les contaminations. Dans l’Aisne, les habitants paient 20 % de plus que la moyenne française, tout en subissant des pollutions chroniques…

L'eau sous pression

Las ! L’usage des pesticides évolue peu. La mise à jour de la carte Adonis par le bureau d’études Solagro montre par des couleurs, du vert au rouge, l’intensité des traitements selon les régions. Sans surprise, les zones rouges recevant le plus de traitements sont celles des grandes cultures, de viticulture ou d’arboriculture. Les vertes reflètent les montagnes, les prairies d’élevage. "Mais si on généralisait la bio, tout serait vert, s’exclame Philippe Pointereau, agronome cofondateur de Solagro. Tous les pesticides dans l’eau sont ceux que l’agriculture biologique n’utilise pas." Son enjeu majeur : arrêter cette pollution. Les eaux minérales qui développent des stratégies pour interdire les pesticides en encourageant la bio autour de leurs sources sont aussi concernées. Elles misent sur des partenariats, tel celui d’une célèbre marque avec l’une des plus grosses coopératives de vin bio à Vergèze (Gard). "Les agences de l’eau aident au rachat des parcelles pour qu’elles respectent des baux environnementaux ou des normes bio quand elles le peuvent, mais les moyens de pression sur l’eau du robinet restent limités", observe Philippe Pointereau.

Indice de fréquence de traitement phytosanitaire des surfaces agricoles. Source : solagro.org/ift

Du bricolage

Quand la qualité se noie sous les seuils autorisés, "l’eau de la nappe est diluée avec celle d’une autre. Du bricolage !", poursuit-il. Le préfet peut fermer le captage, ce qui arrive de plus en plus fréquemment. Une politique plus volontariste vis-à-vis de la bio serait moins coûteuse. "Les captages représentent environ 2 % des surfaces agricoles utiles. 2 % de bio en plus, ce n’est pas possible ?", interroge l’agronome. Le rapport interministériel préconise l’interdiction "d’urgence" des pesticides sur les aires de captage souterrain les plus polluées. Stéphane Rozé de la Fnab, la fédération des agriculteurs bio, demande l’interdiction sur tous les captages : "D’un côté, on finance les agriculteurs pour utiliser des pesticides qui polluent l’eau, de l’autre, on paye la dépollution de l’eau, plutôt que de payer une seule fois pour changer le modèle agricole !" Interdiction à étendre aux engrais chimiques, responsables entre autres des algues vertes et de l’eutrophisation***. L’agriculture biologique n’a pas recours à l’azote chimique. L’enrichissement des cultures passe par celui du sol nourri lui-même par les engrais verts (lentilles, trèfles…) ou les déjections animales. "Avec ses bouses, la vache ne fait que rendre au sol l’azote de l’herbe qu’elle a broutée ! La bio ne crée pas d’excédents", explique Philippe Pointereau.

Caprice des eaux

Comme si la dégradation de la qualité ne suffisait pas, viennent s’ajouter désormais des problèmes de quantité, augmentés et répétés par le changement climatique : sécheresse, inondations… "Bio ou non, tous les agriculteurs logent à la même enseigne : quand il n’y a plus d’eau, il n’y en a plus, comme c’est le cas depuis deux saisons pour les paysans de notre sociétaire la coopérative La Tour dans les Pyrénées-Orientales, constate Ronan Lafrogne chez Biocoop. Mais les réponses peuvent varier."

 

"Pour l’heure, il existe peu de données globales sur l’empreinte eau de l’agriculture bio vs non bio", signale Philippe Pointereau. Certaines démarches agronomiques sont favorables à l’eau, tel l’entretien des haies, "gagnantes pour les émissions de carbone, la biodiversité et l’eau car elles maintiennent l’humidité", ajoute Ronan Lafrogne citant Les Fermes de Chassagne, autre sociétaire de Biocoop 100 % bio, qui réunit 28 exploitations seulement et… 234 kilomètres de haies. Ces pratiques ne sont pas l’exclusivité des agriculteurs bio. Mais parce qu’ils dépendent de leur écosystème et qu’ils se sont interdit les aides externes chimiques, ils sont très attentifs à son bon équilibre et à ses constituants, l’eau permettant de les faire dialoguer entre eux.

Mégabassines, non merci !

Au-delà des questions de quantité et de qualité, l’heure ne serait-elle pas venue de renouveler notre regard sur l’eau ? De reconsidérer cette eau vive de la terre, canalisée, détournée, pompée, puis gaspillée, au point qu’elle semble elle aussi ne plus rien entendre ? "Il est temps de voir les ressources en eau autrement que pour les exploiter", suggère Philippe Pointereau. "Après les remembrements, la rivière a vu ses méandres coupés, son lit curé, ses eaux canalisées, les alevins diminuer. Il a fallu recréer des aménagements !", se souvient le céréalier Benjamin Hovart. Édouard des Marais, du collectif Bassines Non Merci, décrit les changements du marais poitevin, "les touristes qui s’extasient du silence quand tu sais qu’autrefois ça grouillait de vie, les chantiers en attente des mégabassines, véritable dystopie", avec des béances "entourées de barbelés, de caméras et d’alarmes".

 

Les mégabassines sont sans doute le point ultime de notre approche utilitariste et extractiviste de l’eau. Leur principe est de pomper en quantité les nappes souterraines l’hiver pour stocker l’eau en surface. Elles ne sont pas sans poser problème : perturbation du renouvellement des nappes, aggravation des sécheresses locales, assèchement des cours d’eau et des zones humides, perte par évaporation, sans compter la question du partage, l’accroissement des inégalités d’accès à l’eau, ou encore le coût de ces investissements subventionnés par la collectivité.

Réenchanter l'eau

Mais pourquoi en sommes-nous venus à ne plus considérer que les propriétés mécaniques, physiques ou chimiques de l’eau ? "Aurions-nous oublié que pendant des millénaires, ce n’est pas H2O qui a été la source d’inspiration artistique, métaphysique et même technique, mais des histoires d’amour avec l’eau", interroge Claudine Brelet. Dans son plaidoyer anthropologique Réenchanter l’eau (Éd. Errance & Picard), la scientifique, qui a défendu à l’OMS le droit universel de l’accès à la ressource, invite à revisiter l’eau. Retraçant son cours à travers l’histoire de l’humanité, elle s’attarde sur la sagesse des peuples premiers et sur ce qu’ils pourraient nous apprendre face au changement climatique. Dans leur sillage, différentes démarches novatrices voient le jour. Telle celle qui consiste à faire reconnaître des droits aux entités naturelles dont des fleuves, l’Atrato en Colombie, la Loire en France… Ou celle décrite par Baptiste Morizot dans son dernier ouvrage Rendre l’eau à la terre (Éd. Actes Sud). Pour nous libérer du culte du pétrole, du machinisme et du contrôle, le philosophe invite à réfléchir sur notre relation collective au vivant et propose de guérir les rivières en suivant… le castor. Ou encore celle de l’inspirante revue Soif qui revendique un nouveau récit pour l’eau.

 

Claudine Brelet va jusqu’à demander qu’on "rende à l’eau sa dimension culturelle holistique, c’est-à-dire sacrée". Sacraliser, reconnaître que cet élément, en tant que ressource naturelle et bien commun essentiel à la vie, véhicule des valeurs supérieures. "Pourrions-nous chanter l’amour sacré de l’eau avec le même espoir que les révolutionnaires investissaient dans l’amour sacré de la patrie en chantant La Marseillaise ?" La question laisse songeur…

Une rivière est un ensemble de vies qui travaille à hydrater les milieux. Ici la vallée de la Tude (Charente) photographiée par le paysan Benjamin Hovart autour de ses parcelles.

*IGAS-IGEDD-CGAAER, novembre 2024.

**Produits de la dégradation des pesticides.

***Prolifération végétale, appauvrissement en oxygène et déséquilibre de l'écosystème.

Interview : "l'écologie préside nos choix !"

Ronan Lafrogne, Directeur qualité et RSE de Biocoop

Sensibiliser à l'eau, est-ce le rôle d'un commerçant ?

Oui, car sans eau, pas d’agriculture, donc plus d’alimentation. C’est caricatural mais parlant. Biocoop s’engage sur des enjeux environnementaux, l’eau en fait partie. La plus grande part de nos approvisionnements vient de France, il y a d’autant plus de sens à s’interroger.

Et alors ? Quel lien entre l'origine France, l'eau et vos interrogations ?

Le changement climatique en France est tangible. Chacun voit plus ou moins comment il influe, s’il est pertinent ou non de favoriser des cultures gourmandes en eau, par exemple dans des régions en proie aux sécheresses.

Donc pour vous la proximité favorise la sensibilisation ?

D'une certaine manière...

Il y a pourtant des contre-exemples chez Biocoop : l'avocat !

Bon exemple d’adaptation justement ! À l’origine, nos avocats venaient de loin. Puis nous avons relocalisé en Espagne près de Valence. Les problèmes d’eau récurrents nous ont conduits à chercher des alternatives notamment auprès d’agriculteurs au Kenya, dans la région de Muranga. Dans des forêts primaires au climat équatorial, ils pratiquent l’agroforesterie, un système d’association de cultures intéressant pour le sol, l’infiltration de l’eau en profondeur, la limitation de l’érosion lors des pluies. Pas d’irrigation, un transport par bateau et, côté social, une certification équitable. Ainsi, aujourd’hui, nous avons deux provenances d’avocat et des règles de saisonnalité.

Mais tous les distributeurs ne font-ils pas de même ?

Oui, certains, quand il est question de sécuriser les approvisionnements. Et non, car ce qui préside à nos choix, c’est l’approche environnementale ! Plus elle est globale, mieux c’est. Il ne s’agit pas de traiter d’un côté l’eau, de l’autre la biodiversité ou les émissions de carbone. C’est pourquoi d’ailleurs nous attendons qu’un affichage environnemental des produits multicritère voie le jour.

Bertrand Féraut

Maraîcher, président de la coopérative Uni-Vert

Comme s’il en était la mémoire, Bertrand Féraut conte avec passion l’eau sur le plateau de Bellegarde près de Nîmes (Gard) où il cultive 12 hectares en bio. "L’eau, ici, c’est toute une histoire !", s’exclame le maraîcher dont le nom de la ferme – La Source –, comme la toponymie du secteur, Fontaine, Riu*, évoque l’or bleu. L’eau des Cévennes nourrit de profondes nappes. Celle des glaciers alpins, le Rhône, son canal et toute l’irrigation. Longtemps cette garrigue caillouteuse eut soif, jusqu’au creusement du canal du Bas-Rhône dans les années 1960 et sa transformation en terre d’accueil organisée en parcelles avec une borne d’eau, une maison et un hangar pour les vagues successives de migrants, rapatriés d’Algérie, Harkis, Vietnamiens… L’eau ne manque pas, dit-il mais les agriculteurs apprennent à économiser : sondes et tensiomètres ou nouvelles approches agronomiques. "Avant, on plantait puis on arrosait souvent. Maintenant, on arrose jusqu’à mi-cycle, vingt-cinq jours pour une salade, puis on arrête les vingt-cinq suivants jusqu’à la récolte. Il faut être très technique. L’erreur peut générer des maladies." D’où la micro-aspersion nocturne des fruitiers, en biodynamie, plutôt que le goutte-à-goutte. "On réfléchit aux drones, à l’IA. On peut tout perdre en quelques heures. Nous avons besoin de modernité pour garder la tradition. Pour aider à la décision, attirer les jeunes et parer au changement climatique !"

 

*Ruisseau en provençal.

© Solana

Arbres et haies participent à améliorer la qualité et l'écoulement des eaux. Afin de stopper leur dégradation (moins 20 000 kilomètres par an ces dernières années), le pacte national en faveur de la haie ambitionne d'ajouter 50 000 kilomètres de haies d'ici 2030.

Benjamin Hovart

Céréalier bio en Charente

Benjamin Hovart cultive des céréales et des légumineuses dans le Sud Charente à Montboyer. Il a commencé en 2007 près de la Tude, affluent de la Dordogne, avec une ferme maraîchère de 15 hectares : l’eau y est déterminante. "J’ai eu un droit de puisage de 2 000 m3/an, droit accordé selon l’activité", dit-il en décrivant des politiques et habitudes qui relèvent parfois du "privilège féodal". "Avec du maïs intensif et des cochons industriels, on obtient dix fois plus !" Pour lui, c’est tout le système agricole qui contraint les agriculteurs. Il parle de ces haies arrachées pour agrandir les parcelles "drainées, percées de tranchées avec d’énormes tuyaux pour diriger les eaux stagnantes vers la rivière". Alors qu’elles jouaient un rôle d’éponge, ces terres marécageuses devenues fertiles en s’asséchant ont été offertes aux monocultures gonflées par la rivière ou la nappe. "Aujourd’hui, la rivière s’assèche de plus en plus tôt. Je n’aime pas le principe de l’irrigation. J’arrose juste lorsque les lentilles sont en fleur pour avoir une régularité de récoltes d’une année sur l’autre. Elles sont transformées dans la région avec le groupement Fermes de Chassagne, certifié Bio Équitable en France, et vendues localement ou chez Biocoop." De l’eau pour nourrir des humains, pas un système.

ÇA C'EST BIOCOOP

  • 2025. En mars, Biocoop met à l’honneur des produits dont la fabrication et/ou l’usage permettent d’économiser des ressources, y compris l’eau, tels les produits en contenant consigné pour réemploi, pratique qui use moins d’eau que le recyclage.
  • 2017. Biocoop a décidé d’arrêter de vendre de l’eau plate en bouteille plastique. Résultat : 106 tonnes d’emballages évitées chaque année, soit 742 tonnes en 2024, l’équivalent du poids de deux airbus A380, le plus gros avion civil volant. Hélas, cela ne reste qu’une goutte d’eau sur le total mis en marché…

Article extrait du n°135 de CULTURE BIO, le mag de Biocoop, distribué gratuitement dans les magasins du réseau, dans la limite des stocks disponibles.

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